Alzheimer hériditaire

Parce qu’elle engendre une perte d’autonomie, une perte des repères, une modification de la perception de l’environnement, la maladie d’Alzheimer suscite une inquiétude intense chez toute personne qui gagne en âge, et l’existence d’un cas de cette maladie dans la famille porte cette angoisse à son paroxysme. Mais les formes héréditaires de la maladie restent très rares.

On peut citer, à titre d’exemple, les questions suivantes, posées par des membres de la famille d’un patient atteint de maladie d’Alzheimer :

« Mon père a développé la maladie d’Alzheimer à l’âge de 55 ans, j’ai 40 ans, dois-je m’inquiéter à l’arrivée de mon cinquante-cinquième anniversaire ? »

« On raconte dans ma famille que les oncles du côté maternel perdent la tête au moment de la retraite ; ai-je un risque de subir le même sort ? »

« Ma mère était atteinte de maladie d’Alzheimer ; je suis inquiète pour mes enfants…risquent-ils de développer cette maladie ? Et ma fille est-elle plus exposée que mon fils à ce risque ? »

Ces interrogations traduisent toutes la même question : quels sont les risques génétiques de cette maladie ?
Quelques termes de génétique

Dire qu’une maladie se « transmet génétiquement » signifie que le sujet atteint porte dans son patrimoine génétique une ou plusieurs informations erronées, c’est à dire non-conformes au développement et au fonctionnement normal de l’organisme de sa naissance à sa mort. Cette information correspond à un gène anormal qui a été modifié : on dit qu’il a subi une mutation. Les gènes sont tous portés par des structures appelées chromosomes.

Dans l’espèce humaine, toute l’information génétique de l’organisme est écrite sur 46 chromosomes, dont deux chromosomes sexuels (qui définissent, entre autres, le sexe de la personne : deux chromosomes X pour la femme, un X et un Y pour l’homme) et 22 paires de chromosomes non-sexuels. Le sujet atteint porte donc un gène anormal, ou plusieurs, sur l’un, ou plusieurs de ses chromosomes et les questions que se posent les généticiens sont : existe-t-il un seul gène concerné ou plusieurs ? Sur quels chromosomes sont situés ces gènes, en particulier sont-ils sur un chromosome sexuel ou non ? Un parent non-atteint peut-il transmettre la maladie à son enfant (on parle de transmission récessive) ou le risque est-il présent uniquement si le père ou la mère sont atteints ? (transmission dominante) ? Des réponses ont pu être apportées à une grande partie de ces problèmes.

Plusieurs formes de la maladie d’Alzheimer

Dans ce cadre, il est important de comprendre qu’il existe plusieurs formes de maladies d’Alzheimer qui n’ont pas toutes la même signification d’un point de vue génétique :

– les formes les plus rares (1 % des patients) qu’on appelle formes familiales de maladie d’Alzheimer, qui surviennent à un âge moins avancé, souvent dès la cinquantaine ;

– les formes dites « sporadiques » de loin les plus fréquentes, c’est à dire qui surviennent de manière isolée dans une famille, souvent à un âge déjà bien avancé .

C’est dans la première forme de la maladie qu’a été particulièrement étudié le terrain génétique et qu’ont été faites le plus de découvertes ; des mutations ont été découvertes sur trois gènes de trois chromosomes différents :

-sur le chromosome 21, le gène d’une protéine appelée APP (Amyloïd precursor protein) ;

-sur le chromosome 14, le gène de la préséniline 1
(ou PS 1) ;

-sur le chromosome 1, le gène de la préséniline 2
(ou PS 2).

Dans les formes familiales de la maladie, on retrouve une fois sur deux une mutation au moins sur l’un de ces trois gènes. La transmission de ces gènes mutés est dominante, ce qui signifie qu’un enfant dont le parent est porteur de cette mutation est très à risque de développer une maladie d’Alzheimer. Heureusement, ce cas de figure est très rare et ne touche en France qu’un petit millier de personnes. Cependant, il est possible pour un individu qui a plusieurs membres de sa famille atteints d’une maladie d’Alzheimer survenue à un âge précoce de demander une consultation auprès d’un généticien afin de faire le point sur ses risques génétiques de développer la maladie .

Dans les formes sporadiques de la maladie, de loin les plus fréquentes, le rôle du gène d’une protéine appelée apolipoprotéine E a été particulièrement étudié. Ce gène est situé sur le chromosome 19 et se présente sous différentes formes, appelées apolipoprotéines 2, 3 et 4. De même que la couleur des yeux varie avec les individus, le fait de posséder la forme 2, 3 ou 4 de l’apoliprotéine E dépend de chacun de nous. Mais une plus grande fréquence de la forme 4 et une rareté de la forme 2 ont été rapportées chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer. Le fait de posséder une forme 4 de l’apolipoprotéine E peut multiplier le risque de développer cette maladie par un facteur huit. Il s’agit donc d’un « facteur de risque génétique », c’est à dire qu’il n’est ni nécessaire, ni suffisant au développement de la maladie, il augmente simplement son risque. Cette même notion de facteur de risque génétique a été retrouvée sur d’autres chromosomes, le chromosome 12 et, de nouveau, le chromosome 1, mais leur rôle précis n’est pas encore déterminé.

Aller voir le généticien si plusieurs parents sont atteints

L’importance de distinguer les deux formes essentielles de maladies d’Alzheimer, la forme familiale à début précoce, et la forme sporadique à début tardif, prend tout son sens dans le domaine de la génétique.
Plusieurs chromosomes, donc plusieurs gènes, jouent un rôle dans la maladie d’Alzheimer. Les chromosomes sexuels ne sont pas impliqués à ce jour.

La forme familiale de la maladie, qui ne touche qu’1% des malades, est souvent liée à des mutations génétiques, clairement identifiées pour certaines, et il peut être utile de consulter un généticien pour faire le point sur ses risques personnels. Cette consultation n’a de sens que si plusieurs membres parents au premier ou second degré ont développé la maladie vers la cinquantaine.

Dans l’énorme majorité des cas, c’est à dire les formes sporadiques de la maladie, les généticiens ont mis en évidence des « facteurs de risque génétiques », ni nécessaires, ni suffisants pour développer la maladie, dont la transmission est complexe et dont l’étude à l’échelon individuel ne présente aucun intérêt, ni pour le patient, ni pour sa famille.

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